Biographie
Jonathan Roy (Caraquet, N.-B.) est actif en poésie depuis une quinzaine d’années. Il a publié en revues et en collectifs, a travaillé à des livres d’artiste, a parfois écrit des chansons et a souvent pris part à des manifestations littéraires hors le livre (spectacles, vidéopoèmes, expositions, performances). Chez Perce-Neige, il a fait paraître mélamine méduse au printemps 2023, qui fait suite à Savèches à fragmentation (2019) et Apprendre à tomber (2012), tous deux récompensés du Prix littéraire Antonine-Maillet-Acadie Vie. En 2021, il prenait la scène dans Savèches, une adaptation théâtrale de son livre par le Théâtre populaire d’Acadie. En marge de sa pratique, il dirige le Festival acadien de poésie et codirige la collection Poésie des Éditions Perce-Neige.
Entrevue
Très peu ; quand il le fallait, pour l'école. Mais je lisais et relisais les paroles des chansons qui me faisaient tripper. Bob Dylan, Jean Leloup... C'est peut-être ça, mon premier contact avec la poésie.
Il y a aussi eu, vers 15-16 ans, ce premier frisson de poème à la lecture du Dormeur du val (Rimbaud), qu'on devait lire pour un cours. Le contraste entre l'apparence de tranquillité paisible et le tragique du réel qui nous arrache à la sérénité. Le trou de verdure qui devient trou de balle... tout ça. Avant de pouvoir nommer pourquoi, ça me faisait déjà de quoi.
Puis, il a encore fallu attendre quelques années, que je tombe enfin sur les poètes de chez nous, pour que j'en lise pour de vrai.
J'ai commencé à écrire de la poésie presque en même temps que j'ai commencé à en lire vraiment, quand j'ai découvert les poètes de la modernité acadienne. La proximité des lieux partagés, des langues possibles, cette parole libre et décomplexée qui m'arrivait en début de vingtaine étaient comme autant de « permissions » d'écrire, avec la possibilité d'y accéder légitimement.
Pour ce qui est de se considérer poète, c'est ON and OFF. J'ai plus souvent dit que j'écrivais de la poésie que j'ai dit être poète. Probablement à cause d'un mélange de syndrome d'imposteur toujours renouvelé et de ce sentiment que ce qu'on a écrit compte moins que ce qu'on est en train d'écrire ou qu'on va écrire. Ainsi, à chaque fois que l'inspiration est brûlée ou que je n'ai rien écrit depuis un bout, je pense que c'est fini, que c'était juste une luck, une passe, et que je n'ai plus rien à dire ou de poésie à l'intérieur de moi. Puis ça remonte, j'obsède sur un nouveau paradigme et j'arrête de me poser trop la question.
Au final, je crois qu'être poète, c'est surtout une sorte de façon un peu weird de percevoir le monde, à la frontière du réel et du langage.
Dernièrement, j'obsède sur l'idée que la poésie est une frontière à franchir. Entre soi-même et le monde, entre le langage et la vraie vie, entre la personne qui écrit et celle qui la reçoit, entre ce qu'on pense qu'on voudrait écrire et ce qu'il faut écrire. Mais peut-être qu'il ne faut pas tant la franchir que jouer dessus. Ça reste à voir.
Je me souviens plus ou moins de la genèse de « volière », de l'impulsion derrière. Mais je me souviens que c'est un de ces quelques poèmes écrits comme une rage, d'un élan, une note sur mon téléphone. J'ai dû commencer avec ces premiers vers, « le temps est terne / et je suis comme le temps » pour débouler de vers en vers dans une sorte de cadence proche de l'écriture automatique. Pour vrai, ça m'arrive presque jamais parce que normalement, je vire et re-vire mes poèmes sur eux-mêmes jusqu'à la publication ; mais pour celui-ci, le brouillon qui est encore dans mon téléphone et la version publiée sont presque identiques. Je crois que c'est surement ce déboulement, cette frontière un peu assouplie avec l'inconscient, qui fait qu'il y a tant d'images remontées de l'enfance, d'insouciance et de confort qui viennent côtoyer la désillusion pour essayer de la sauver.
Cri de terre, de Raymond Guy LeBlanc.